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Scène VI.
Valentine, Raoul.
Raoul soulève lentement la tapisserie, s'assure que
tout le monde est sorti, et s'élance vers la porte du
fond; mais il s'arrête en entendant qu'au dehors on
la ferme au verrou. –Il se dirige alors vers la porte
à gauche, et Valentine sort en ce moment de son
appartement.
Duo.
VALENTINE.
Où vas-tu?
RAOUL.
Secourir mes frères!
Dévoiler à leurs yeux ces complots sanguinaires,
Armer leurs bras vengeurs, et, le fer à la main,
De nos vils ennemis prévenir le dessein!
VALENTINE.
Mais ces ennemis! ... c'est mon père,
C'est un époux qu'à présent je révère,
Et tu voudrais les immoler?
RAOUL.
Je veux
Punir des assassins!
VALENTINE.
Armés au nomdes cieux!
RAOUL.
Et voilà donc le Dieu que ton culte consacre,
Ce Dieu qui des Français ordonne le massacre!
VALENTINE.
Ah! ne blasphème pas! C'est lui dont la pitié
Veut préserver tes jours, auxquels il s'intéresse.
Ne sors pas!
RAOUL.
Je le dois!
VALENTINE.
C'est trahir ma tendresse!
RAOUL.
Et rester ... c'est trahir l'honneur et l'amitié.
Ensemble.
RAOUL.
Le danger presse, et le temps vole,
Laisse-moi, laisse-moi partir!
Ce sont mes frères qu'on immole
Laisse-moi, laisse-moi partir!
L'honneur le veut, je dois te fuir.
VALENTINE.
Si tu me quittes l'on t'immole.
Garde-toi, garde-toi de fuir,
O mon seul bien, ma seule idole!
Garde-toi! garde-toi de fuir.
Ah! te perdre serait mourir!
Retenant Raoul près de la porte où il s'est élancé.
Non, par toi ce seuil redoutable
Ne sera pas franchi; je m'attache à tes pas!
RAOUL, cherchant à se dégager.
En t'écoutant je suis coupable!
VALENTINE.
En t'écoutant ne le suis-je donc pas?
Je le fais cependant, et dans mon trouble extrême
Je ne vois plus que toi dont les jours sont proscrits.
Reste, Raoul, et si tu me chéris,
Si tu m'aimes encor ...
RAOUL.
Plus que jamais je t'aime.
Je voudrais te donner et mon sang et moi-même!
Mais immoler les miens, mes frères, mes amis!
VALENTINE.
Mais, sorti de ces lieux, chaque pas dans la ville
Peut t'offrir un danger! et pour t'en préserver,
Reste ici, cette nuit! reste dans cet asile!
RAOUL.
Je ne puis!
VALENTINE.
Et la mort?
RAOUL.
Je saurai la braver.
VALENTINE.
Eh bien donc, si ma voix vainement te supplie,
Et si mon malheur seul peut préserver la vie,
Enfin ... s'il faut me perdre afin de te sauver,
Reste, Raoul, reste ... je t'aime!!!
RAOUL.
O bonheur suprême!
O délire! ... ô transport!
Quel mot du ciel s'est fait entendre!
Oui! cet instant change mon sort.
Vienne à présent la mort,
Puisqu'à tes pieds je puis l'attendre!
VALENTINE.
Ah! qu'ai-je dit! ... grâce et pitié!
RAOUL.
Oui, tu l'as dit ... oui, tu m'aimes!
C'est le jour qui renaît, c'est l'air pur des cieux
mêmes!
Auprès de toi que tout soit oublié!
Parle encore et prolonge
De mon coeur le doux sommeil! ...
La pressant contre son coeur.
Et si mon bonheur est un songe,
Que jamais, ô mon Dieu, n'arrive le réveil!
Il tombe à ses genoux et l'entoure de ses bras. On
entend dans le lointain le son d'une cloche. –Raoul,se relevant.
Entends-tu ces sons funèbres?
VALENTINE, à part.
Ils me glacent de terreur!
RAOUL.
Du sein des noires ténèbres
S'élève un cri de fureur!
Portant la main à son front et comme sortant de son
égarement.
Où donc étais-je?
VALENTINE.
Auprès de moi, dont les prières..
RAOUL.
Ah! souvenir fatal!
Du massacre de mes frères
C'est l'horrible signal!
Ensemble.
RAOUL.
Plus d'amour! ... plus d'ivresse!
O remords qui m'oppresse!
Je les verrais sans cesse
Egorgés sous mes yeux!
Repoussant Valentine.
Je ne veux rien entendre!
Mes frères vont m'attendre!
Et je cours les défendre
Ou mourir avec eux!
VALENTINE.
Eh quoi! dans son ivresse,
Repousser ma tendresse!
Le remords qui m'oppresse
Est-il donc moins affreux?
Quoi! l'amour le plus tendre
Veut en vain te défendre! ...
Raoul, daigne m'entendre
Ou je meurs à tes yeux!
On entend de nouveau le son des cloches.
RAOUL.
C'en est fait! ... voici l'heure!
Le ciel veut que je meure!
Tu m'arrêtes en vain!
VALENTINE, le retenant.
Je ne te quitte pas! ... Frappe, voilà mon sein!
RAOUL, cherchant à s'arracher de ses bras.
Dieu! soutiens mon courage! ...
S'approchant de la fenêtre à droite.
Tiens, vois sur ce rivage,
Vois ces cadavres sanglants
VALENTINE.
Ah! quelle horreur s'empare de mes sens! ...
Hors d'elle-même.
Raoul! ils te tueront! ... reste! reste! ou je meurs!
RAOUL, dans le plus grand trouble.
Ah! ... que faire? et comment résister à ses pleurs?
Le beffroi retentit, et l'on entend le bruit des armes.
Raoul pousse un cri d'effroi.
Non! ... c'en est fait ... l'honneur m'ordonne de
partir.
Regardant Valentine à demi évanouie.
Dieu! ... veillez sur ses jours! ... et moi je vais
mourir.
Il s'élance du haut du balcon qui est à droite et
disparaît. Valentine pousse un cri et tombe
évanouie.